Le monde 4.01.2016
Ils n’ont pas encore franchi la ligne d’arrivée virtuelle entre l’île d’Ouessant et le cap Lizard (sud-ouest de l’Angleterre) mais les marins de Spindrift 2 doivent se faire une raison. Le plus grand multicoque au monde (40 m) ne battra pas le temps référence de Loick Peyron et ses treize équipiers réalisé en 2012 en 45 jours 13 h 42 min et établi avec Banque Populaire V, aujourd’hui… Spindrift 2. Pour ça, ils doivent franchir cette ligne avant mercredi à 17 h 43 GMT (18h43 heure française) mais ce ne sera pas le cas.
« Ce n’est pas un abandon », doit se justifier, dimanche 3 décembre, Yann Guichard, skipper de Spindrift 2. « Le record n’est plus atteignable mais l’aventure continue. L’objectif reste évidemment de boucler ce tour du monde et d’aller couper la ligne à Ouessant. » En ramenant sains et saufs ses 13 hommes et femmes d’équipage. Au large de la Bretagne, gronde une dépression qui devrait se creuser dans les prochains jours avec un vent de Sud-Ouest de 30-35 nœuds, localement 40 nœuds, et une mer forte de 6-7 mètres. De quoi donner quelques sueurs froides et salées à cette jeune écurie suisse – quatre ans seulement.
« Notre routage nous indique un passage de ligne prévue le 8 janvier en milieu de journée, ce qui donne 36 heures à 48 heures de retard, soit plus de 1 000 miles sur Banque Populaire V », s’est résignée Dona Bertarelli, propriétaire du bateau et épouse de Yann Guichard, qui pourrait devenir la première femme à terminer une tentative du trophée Jules-Verne.
Idem pour IDEC
Quelques milles derrière, c’est IDEC Sport (31,50 m) mené par Francis Joyon, qui doit également faire une croix sur le record du tour du monde en équipage et sans escale. Après une descente de l’Atlantique Sud décevante et un Pacifique qui avait décidé de faire honneur à son nom, le trimaran rouge-et-blanc a dû également contourner l’anticyclone des Açores par le nord ouest, rallongeant du coup sa course, bien loin de l’orthodromie, soit la ligne la plus courte entre deux points d’une sphère, en l’occurrence la Terre.
Contrairement à Spindrift 2, le commando resserré de Francis Joyon n’a pas l’intention de baisser le pied et tente de battre le record Equateur-Ouessant détenu par Groupama 3 de Franck Cammas. « Ils ne connaissent pas où se situe le curseur de la modération. » Francis Joyon s’amuse visiblement de l’entêtement mis par chacun de ses cinq hommes d’équipage à tirer toujours et encore le meilleur de leur maxi trimaran. « On a connu cette nuit des conditions de mer très chaotiques, qui rendaient notre progression très difficile », poursuit-il. Une information que les chiffres de la nuit n’attestent pourtant pas, les vitesses du bateau ayant rarement chuté en deçà des 30 nœuds.
Battus mais plus rapides
Si Francis Joyon, recordman du tour du monde en solitaire, voyait ce trophée comme un bon moyen d’apprivoiser son maxi trimaran avant de le faire évoluer en solo, l’équipe de Yann Guichard a réalisé qu’il avait les moyens d’accrocher le record de Loïck Peyron, qui après la Route du Rhum, trouve encore le moyen de lui passer devant.
C’est d’ailleurs l’un des enseignements de cette tentative historique courue pour la première fois en duo. Bien que Banque Populaire V reste détenteur du record, Spindrift 2, qui a bénéficié de quelques modifications technologiques dont un mât plus court de 6 mètres, a enregistré de meilleures moyennes de vitesse, près de 3 % de plus.
Ainsi, le maxi trimaran noir-et-or a battu le record Ouessant-Equateur en 4 jours 21 h 29 min. Ce qui n’enlève rien à l’acharnement de l’équipage d’IDEC Sport qui s’offre la traversée de l’Océan Indien (record WSSRC) en 6 jours 23 h 04 min. Rendez-vous jeudi ou vendredi à Brest pour accueillir ces hommes (et femmes) qui n’ont pas fini de nous faire rêver.